Pour rebondir sur la fin de ton post, je pense qu'il y a surtout parmi ceux qui, crédules, se laissent avoir par ces rumeurs débiles, des gens qui , peu informés, peu éduqués et surtout pas à la formation d'un esprit critique, sont envahis par des choses qui ressortent des émotions primaires (à commencer par la PEUR, peur de l'autre, du différent, et probablement parfois la peur de ses propres pulsions ou fantasmes...)
Mais ce qui me rend folle de rage c'est que ces émotions et appels à la peur sont sciemment déclenchés et entretenus par des gens qui, eux, savent ce qu'ils font : des soi-disants journalistes, pour qui ne serait-ce qu'un ridicule petit bout d'enquête sur le terrain (c'est le moins pour un journaliste, non ?) suffirait à leur prouver que ce sont des conneries .... des enseignants (rares, c'est vrai, mais il y en a, et servent de caution) qui savent, forcément, que ce qu'ils dénoncent ne correspond à aucune réalité .....
Un genre de grand délire
Retour sur quelques intox de ces derniers jours à propos de la "théorie du genre"
Avec l'hystérisation du débat sur la "théorie du genre", certains médias - et certains politiques - racontent un peu tout et n'importe quoi sur ce sujet. Récemment, il y a eu rumeur autour de la masturbation à l'école. Nous en parlions dans cette émission. Mais aussi, un article du Point qui fait remonter l'origine des études de genre à un obscur sexologue des années 60. Cafouillages aussi dans l'émission Mots Croisés et au Petit journal sur des "militants LGBT" qui interviendraient dans les écoles. Décryptages.
C'est Marine le Pen qui lance l'offensive dans l'émission Mots croisés lundi 3 février sur France 2. "C'est une réalité, il y a des militants LGBT vont dans les écoles pour exposer la théorie du genre". Yves Calvi n'en revient pas : "Ou avez-vous vu des militants LGBT intervenir dans les écoles de la république?". Il lui demande des sources, Le Pen lui répond : "Vous tapez LGBT dans les classes sur google et vous trouvez". Le lendemain, Le Petit Journal s'empare du sujet, fait la recherche préconisée par Le Pen et tombe sur un extrait d'une émission d'Eric Zemmour sur I<télé, qui affirme : "il y a des représentants LGBT dans les classes pour faire de la propagande homosexuelle".
Qu'en est-il vraiment ? En réalité, oui, des "militants LGBT" interviennent bien dans des classes. Calvi et Barthès semblent ne pas le savoir. Mais pas pour "faire de la propagande homosexuelle" comme l'affirme Zemmour. Pour lutter contre l'homophobie. Ces interventions sont même en place depuis.... 2008. A l'époque, c'est Xavier Darcos, ministre de l'Education Nationale du gouvernement dirigé par François Fillon, qui a inscrit la lutte contre l'homophobie à l'école dans la circulaire de rentrée 2008. A l'époque, trois associations ont obtenu un agrément de l'éducation nationale en tant qu'association éducative complémentaire de l'enseignement public : SOS Homophobie, l'association Contact, (centrée sur le dialogue entre les parents d'homos et les homos), et Estim (centrée sur l'accompagnement de la vie affective et de la sexualité). A l'époque déjà, la volonté de Darcos de lutter contre l'homophobie avait fait polémique auprès de la droite "dure". Une vidéo du sénateur UMP Gérard Longuet avait alors fait le "buzz", lorsque celui-ci avait lancé à Darcos : "C'est extrêmement réjouissant de savoir que l'on promeut des formes nouvelles de sexualité dans l'école et qu'on combat en même temps la pédophilie… Il y a quand même un moment où il faut savoir sur quelles valeurs on s'arrête...".
Comment se déroulent les interventions ? Contactée par @si, Elisabeth Ronzier, de SOS homophobie explique : "nous intervenons, à partir de la classe de 4e, pas dans les écoles ni les maternelles ! Nous intervenons en toute transparence, exclusivement sur la demande des chefs d'établissement, et toujours en présence d'un membre du personnel éducatif. L'objectif est de lutter contre l'homophobie et la transphobie, pas d'enseigner l'homosexualité". En 2012-2013, 15 800 élèves de 14 académies différentes ont bénéficié d’échanges et de discussions avec des bénévoles, précise l'association.
"L'objectif est de déconstruire les mécanismes de discrimination, on évoque le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, des discriminations avec lesquelles les élèves sont plus familiarisés, et on montre que ces discriminations sont fondées sur des préjugés. De fait, on explique que c'est la même chose avec l'homophobie" détaille Ronzier. Sur son site, l'association précise les modalités de ses interventions. SOS Homophobie se fonde aussi sur des supports, comme de petits films réalisés en partenariat avec l'INPES (l'un d'entre eux est visible ici). Au programme également : un "rappel de la législation relative à l'orientation sexuelle et des droits des homosexuel-le-s, des distributions de "petits papiers blancs" pour permettre à chaque élève de poser des questions de façon anonyme."
Précisons que l'association avait perdu son agrément en 2012, à la suite d'une plainte de la confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC). Le tribunal administratif de Paris avait considéré que certains propos contenus dans un document de travail comme pistes pour répondre aux questions des élèves n'étaient pas "suffisamment nuancés". Parmi ces propos, l'affirmation selon laquelle les représentants des religions "interviennent souvent publiquement pour s'opposer aux avancées en matière de droit des homosexuels". L'association a retrouvé son agrément en mai 2013.
Ligne Azur
Autre intox des opposants au genre, celle concernant la Ligne Azur, une ligne téléphonique d'écoute pour les adolescents qui s'interrogent sur leur orientation sexuelle ou qui sont victimes d'homophobie. Eric Zemmour, encore lui, dans l'émission Ca se dispute sur i<Télé, vendredi 31 janvier, détaille un tableau figurant sur le site de Ligne Azur, dans lequel on demanderait à des "enfants de 11 ans" de répondre à des questions sur leur pratiques sexuelles
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Le tableau décrit par Zemmour figurait bien sur le site (visible en cache ici, le site ayant été victime de hacking depuis lundi, on y reviendra). Contacté par @si, le rédacteur en chef du site, Alain Miguet explique que ce tableau n'est pas destiné aux enfants de 11 ans, mais aux lycéens et aux étudiants. Il n'est par ailleurs pas présenté en "une" du site, ou dans une section dédiée aux adolescents, mais dans une rubrique annexe.
Contrairement à ce qu'affirme Zemmour, il ne s'agit pas d'un questionnaire, mais d'un moyen de montrer que l'hétérosexualité n'est pas la seule norme. "Le tableau ci-dessous montre la multiplicité des situations individuelles. Même si elle est majoritaire et présentée comme norme, l’hétérosexualité n’est pas la seule voie. Le contexte (lieu, moment, durée, à deux ou à plusieurs…) est aussi un facteur déterminant du vécu de chacun-e", peut-on y lire.
Le Monde, sous la plume de Samuel Laurent, a également fact-checké les "sources" de Zemmour. Il décrypte ici ces allégations. Quelles sont les sources de Zemmour ? Le site Egalité et Réconciliation d'Alain Soral, note Le Monde. Etonnament c'est également le site de Soral qui avait été à l'origine de la polémique sur la masturbation à l'école (dont nous vous parlons ici).
Précisons que Ligne Azur avait été également mentionnée dans la circulaire de rentrée de 2009 de Xavier Darcos en tant que Ligne d'écoute. Vincent Peillon l'a récemment recommandée dans une lettre aux recteurs d'académie. Contrairement à SOS Homophobie, Ligne Azur ne propose pas d'intervention dans les établissements scolaires mais propose une ligne d'écoute et des affiches consistant en un rappel de ce service.
Depuis lundi, le site a été hacké, trois jours après les propos d'Eric Zemmour sur I>télé. "Le site a subi plusieurs attaques extérieures, nous ne savons pas qui est à l'origine de ce hacking" souligne Miguet, qui annonce qu'il va porter plainte, contre ce hacking et contre les menaces - jusqu'aux menaces de mort - reçues par mail, depuis plusieurs mois. L'ensemble du contenu du site a été atteint, et des données ayant été endommagées, un "mini site" va être mis en ligne jeudi matin pour continuer à promouvoir la Ligne. A ceux qui estiment que le site pourrait profiter de ce haking pour effacer du contenu polémique, Miguet assure que "l'ensemble du contenu sera à nouveau mis en ligne dès que possible".
Un "gourou", presenté comme théoricien du genre
Dernière intox : cet article du Point, qui présente un sexologue et psychologue néo-zélandais, John Money, comme le "gourou" de la "théorie du genre". Ces théories "naissent sous la plume et le bistouri d'un sexologue et psychologue néo-zélandais, John Money. C'est lui qui, en 1955, définit le genre comme la conduite sexuelle qu'on choisira d'habiter, hors de notre réalité corporelle", écrit Le Point. L'hebdo raconte l'histoire de parents venus consulter le médecin en 1966, car un de leurs jumeaux a eu le pénis brûlé suite à une circoncision. Le médecin leur conseille d'élever leur garçon en fille.
"Money voit dans cette fatale mésaventure l'occasion de démontrer in vivo que le sexe biologique est un leurre, un arbitraire dont l'éducation peut émanciper. Il convainc les parents d'élever David comme une fille, de ne jamais lui dire - ni à son frère - qu'il est né garçon. Le médecin administre à l'enfant, rebaptisé Brenda, un traitement hormonal et, quatorze mois plus tard, lui ôte les testicules." Mais, à l'adolescence, Brenda le vit très mal. "A l'adolescence, elle sent sa voix devenir grave, confie être attirée par les filles, refuse la vaginoplastie que veut lui imposer Money. Brenda cesse d'avaler son traitement, se fait prescrire de la testostérone, divague, boit trop. Brenda se sent garçon engoncé dans un corps de fille. Effarés, les parents révèlent la vérité aux jumeaux. Brenda redevient David, il se marie à une femme. Mais les divagations identitaires ont ébranlé les garçons. En 2002, Brian (le frère) se suicide."
Cette histoire, manifestement tragique, est-elle représentative de ce que sont les études de genre? Le Point, nuance en fin d'article : "si cette histoire fut un drame, c'est bien parce qu'un enfant fut forcé à vivre selon une identité qui ne lui convenait pas et qu'à lui comme à son frère fut imposé un mensonge ravageur. Il importe de préciser que cette expérience ne saurait entacher les études de genre, qui d'ailleurs s'éloigneront de ces errements du champ médical pour se nourrir du combat féministe puis des travaux de l'anthropologie, interrogeant l'influence de la culture sur la nature, jusqu'à devenir un sujet transversal mêlant littérature, philosophie, sociologie..". Mais après avoir longuement développé l'histoire.
Pour Christine Detrez, sociologue, qui travaille sur le genre, cet article est "calomnieux". John Money est effectivement un des premiers à avoir utilisé le terme de "genre". Pour autant, son expérience ne correspond pas au travail des chercheurs sur le genre, assure-t-elle à @si. "Il considère qu' à partir du moment où ce petit garçon a un organe masculin abimé, il faut lui imposer un genre de fille. A l'inverse les études de genre estimeraient que le problème physique de ce petit garçon ne l'empêche pas d'être un garçon, et le laisserait choisir son genre. Les études de genre soulignent justement que le sexe biologique ne coïncide pas forcément avec le genre masculin ou féminin que l'on ressent psychiquement, explique-t-elle. "Surtout, il y a une volonté d'imposition de la part de ce médecin qui est opposé aux études de genre, qui veulent à l'inverse ouvrir le champs des possibles".