2- Sur les liens l’unissant au juge arbitre Pierre Estoup :
Si, en juin 1998, il a écrit dans la dédicace de son précédent ouvrage “ Estoupe ” au lieu d’ “ Estoup ”, c’est bien la preuve, d’après lui, qu’il n’y avait pas de lien entre eux. Cependant, comment se fait-il que cette dédicace ait été si chaleureuse envers quelqu'un qu'il prétendait ne pas connaître ("vous avez changé le cours de mon destin", "avec toute mon affection" ) ? Simplement car Estoup aurait défendu Tapie dans une intervention de presse ? Pourtant il existe aussi d'autres liens avec Pierre Estoup, révélés par Mediapart. Mais on n'en saura rien ...
3-A propos des liens avec Nicolas Sarkozy
Tapie admet lui avoir souvent rendu visite à l’Elysée, mais jamais pour parler de l’arbitrage. Alors, pourquoi une telle assiduité ? Pour discuter de tout et de rien, sauf du sujet essentiel sur lequel Bernard Tapie harcèle Stéphane Richard (aux propres dires de celui-ci) et Claude Guéant ? Par simple amitié (pourtant rien ne montre qu'ils aient été entretenu des liens d'amitié, d'après le directeur de Marianne, voir cet article). Les téléspectateurs n’en sauront rien ...
4- Sur les accusations de faux en écriture et usage de faux
Il y a bien eu falsification du compromis d'arbitrage, de la part du président du CDR, Jean-François Rocchi, qui a ajouté une mention à la version à laquelle le Conseil d'Administration du CDR avait donné son accord. Comme l'a révélé Mediapart en mai 2011, le rapport de la Cour des comptes l'indiquait déjà : le soupçon pèse sur Rocchi d'une des graves irrégularités qui ont émaillé cet arbitrage, en l’occurrence un faux en écriture. Citons Mediapart :
[Le rapport indique que le compromis d’arbitrage qui a été signé entre le CDR et Bernard Tapie – compromis qui fixe les règles du jeu de l’arbitrage – n’est pas conforme à la résolution qui avait été votée préalablement par le conseil d’administration du même CDR. D’un texte à l’autre a été ajoutée une petite modification… qui change tout et qui a fait la fortune de Bernard Tapie.
« Le compromis a été signé le 16 novembre 2007. La version signée est différente du texte et des modifications qui ont été approuvées par le conseil d’administration du CDR le 2 octobre 2007 sur un point important, concernant la qualification de préjudice moral pour l’intégralité de la demande d’indemnisation de 50 millions d’euros au titre des époux Tapie. La rédaction “En leur qualité de liquidateurs des époux Tapie, les parties B limitent la montant de l’ensemble de leurs demandes d’indemnisation à 50 (cinquante) millions d’euros” a été remplacée par la rédaction suivante : “En leur qualité de liquidateurs des époux Tapie, les parties B limitent la montant de l’ensemble de leurs demandes d’indemnisation d’un préjudice moral à 50 (cinquante) millions d’euros.” Ce point était pourtant de première importance pour les finances publiques dès lors que l’indemnisation d’un préjudice moral était laissée à la libre appréciation du juge, que la procédure d’arbitrage est confidentielle et échapper ainsi aux comparaisons et que les sommes n’avaient pas à supporter l’impôt. »]
5- Sur la décision d'arbitrage privé, interrompant le cours de la justice qui donnait tort à Tapie
Juste avant la décision prise par Christine Lagarde d'aller à l'arbitrage, la Cour de cassation avait tranché en faveur du CDR, donnant tort à Bernard Tapie. Voir le communiqué de la Cour de Cassation. Il suffisait de faire entériner en Cour d'appel l'avis de la Cour de Cassation pour le rendre effectif. De nombreux conseillers de Christine Lagarde lui avaient déconseillé de recourir à l'arbitrage (mais elle a finalement tenu compte d'un seul avis contraire, et ceci sans tenir compte d'un avis et cadrage qui avait été rendu par Bercy sous le ministère de Thierry Breton).
De surcroît, il est interdit de recourir à un arbitrage privé lorsqu'il s'agit de bien public et notamment quand l'affaire concerne une administration publique, sauf dans un cas particulier d'affaires internationales avec un risque juridique entre deux Etats soumis à différentes lois. La seule raison qui a permis au Tribunal administratif d'autoriser la procédure était que le CDR était une structure de droit privé. Or le CDR était sous contrôle de l'EPFR, une administration publique, et l'argent en jeu était bien celui de l'Etat, dans un contexte aucunement international. Rappelons aussi qu'un arbitrage suppose une confidentialité du jugement, ce qui n'est pas compatible avec l'obligation de transparence en matière d'utilisation du bien public exigée par la constitution.
6- sur d'autres faits et notamment le mobile
Tout le monde s'interroge sur le mobile du crime, à savoir la motivation qu'aurait eu Nicolas Sarkozy et la bande organisée à favoriser la décision d'arbitrage privé : retour d'ascenseur pour un soutien électoral en 2007 ? Simple lien d'amitié ? ... ou encore un moyen de pression ? C'est plutôt ce dernier motif qui paraît crédible mais pas développé. Pourtant, certains faits en rapport avec l'affaire Tapie ne sont pas évoqués, notamment les liens de Bernard Tapie avec André Guelfi, alias "Dédé la Sardine".
C'est vraiment très curieux que la presse ne parle pas des liens de Tapie avec Guelfi (à peine quelque mots dans Marianne de la semaine dernière) qui lui-même est lié à l'arbitre Pierre Estoup. Tout d'abord sur le pacte scellé entre Tapie et Guelfi à la prison de la Santé en 1997 par lequel ils sont convenus de se partager le butin en cas de victoire de Tapie sur l'affaire Adidas, ensuite sur cette réunion dans un palace à Agadir, impliquant aussi Jean-François Copé et Brice Hortefeux au sujet de l'arbitrage privé envisagé en faveur de Tapie. On peut aussi s'interroger sur l'enquête, car les juges n'ont pas encore convoqué André Guelfi.
François Bayrou aurait rappelé ce fait lors d'un déjeuner avec des journalistes et seuls Challenges et le site Atlantico en parlent (et avant Mediapart par mon entremise) :
http://coulisses.blogs.challenges.fr/archive/2013/07/03/pour-bayrou-tapie-faisait-chanter-sarkozy.htmlhttp://www.atlantico.fr/rdv/revue-presse-hebdos/tapiesarkozy-cle-bayrou-evoque-chantage-hollande-face-fronde-reformateurs-emmaues-nouveau-scandale-barbara-lambert-775484.html François Bayrou aurait rappelé aux journalistes qu’il avait tout écrit ou presque – sans être poursuivi en diffamation – sur le fameux arbitrage dans son livre Abus de pouvoir, publié il y a quatre ans chez Plon, éditeur qui vient de sortir le dernier livre de l’homme d’affaires, Un scandale d’Etat, oui ! Mais pas celui qu’ils vous racontent.
Je reprends Challenges :
[Dans un chapitre intitulé « L’arbitraire » (sur lequel je donne un lien) était évoquée la responsabilité directe de Stéphane Richard et François Pérol, respectivement directeur de cabinet de Christine Lagarde et secrétaire général adjoint de l’Elysée, mais aussi le lobbying plus qu’appuyé mené par André Guelfi, le Dédé la Sardine de l’affaire Elf. Ce dernier, qui a sympathisé avec Tapie à la prison de la Santé, a notamment plaidé la cause d’un arbitrage favorable à son ami dans un palace d’Agadir auprès de deux ministres en exercice à l’époque : Jean-François Copé et Brice Hortefeux. Il connaît aussi Pierre Estoup, qui a officié comme arbitre dans l’affaire Elf entre Omar Bongo et André Tarallo. Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il pris le risque, en pleine crise, de lâcher 400 millions d’euros d’argent public à Tapie ? Dans son livre, Bayrou parle d’un « secret ». Aujourd’hui, il va plus loin en évoquant un chantage.
Les amateurs pourront également lire ou relire une dizaine de pages (pages 231 à 239) d'Abus de pouvoir sur François Pérol et son pantouflage contesté chez BPCE, une affaire qui intéresse, là aussi, la justice.]
On savait Bernard Tapie chanteur et bonimenteur, serait-il aussi passé maître chanteur et plus menteur que bonimenteur ?